L'Ecole navale à Clairac pendant la Seconde Guerre mondiale

Depuis sa création en 1830, l’École navale a beaucoup voyagé. Pendant la période troublée de la Seconde Guerre mondiale, elle s’est même installée pendant près de deux ans dans une petite cité du Lot-et-Garonne : Clairac, volontiers accueillie par le maire de l’époque, M. Maurice Baril, officier d’active.

L’origine de cette implantation étonnante !

En juin 1940, l’École navale est contrainte de quitter Brest face à l’avancée allemande. Les élèves de la promotion 1939 sont envoyés à Dakar et affectés deux mois plus tard. Le concours d’admission à l’École est interrompu en 1940 et donc non-validé. Cependant des élèves potentiels rejoignent l’École navale de Darmouth et l’École navale des FNFL. En 1941, un concours d’admission est mis sur pied à Toulon en zone libre. Installée dans le fort Lamalgue, l’école reçoit à son bord 102 bordaches et 20 ingénieurs mécaniciens.

En octobre 1942, elle accueille 116 nouveaux fistots. Au cours de la nuit du 27 novembre 1942, les élèves et cadres de l’école sont emmenés à la caserne de Grignan et assistent impuissants au sabordage de la flotte française. Le 1er décembre, l’école est démobilisée, « mise en congé d’armistice » et les élèves sont renvoyés chez eux. Les élèves de la promotion 1941 sont, peu après, rappelés au service et affectés dans la gendarmerie maritime, chez les marins-pompiers des ports, dans des écoles comme polytechnique tandis que d’autres tentent de rejoindre la résistance ou les forces alliées au combat.

La promotion 1942, quant à elle, est rappelée au cours de l’été 1943 pour se reformer dans une localité du Lot-et-Garonne qui n’est pas occupée par les allemands. Aux yeux des autorités allemandes, il s’agit d’un centre de formation maritime dirigé par d’anciens officiers de marine, et non d’une école militaire.

Situation de l’école à Clairac

Près de 300 marins se rejoignent à Clairac. L’école est alors composée d’une compagnie de 91 élèves-officiers, un groupe de commandement avec deux officiers supérieurs, un encadrement de deux officiers supérieurs, un ingénieur mécanicien et un médecin principal, ainsi qu’une compagnie d’équipage, d’officiers mariniers et de marins incluant du personnel administratif, des fusiliers-marins et des gendarmes maritimes.

L’État-major et la compagnie d’équipage vivent dans l’abbaye du village. Les élèves logent au Domaine de Castille et les officiers au château de Bireboy. Des familles d’officiers, d’encadrants et de professeurs civils s’installent dans le village.

Rien n’est laissé au hasard pour assurer la formation des élèves officiers. Des baraquements démontables sont ajoutés pour accueillir les cours de navigation, d’astronomie, de mécanique, etc. Un barrage en aval du Lot permet même de
constituer un plan d’eau pour l’apprentissage des rudiments de la navigation, de la voile et de l’aviron, mais aussi pour l’entraînement physique avec la remontée du Lot sur près de 5km et des séances de natation.

Après de nombreuses réticences de la part du commandant de l’école, le CV Lacaille d’Esse, une unité combattante composée de 16 officiers, 147 officiers-mariniers, quartiers-maîtres, marins et 91 bordaches est mise sur pied en août 1944 pour rejoindre le maquis du Nécarais et soutenir les alliés qui ont débarqué. Ils se lancent alors dans une marche nocturne de près de 40 km pour passer de la Garonne au Mas d’Agenais d’où ils rejoindront le maquis et combattront les troupes allemandes en Charente-maritime.

D’octobre 1944 à janvier 1945, le bataillon de l’École navale est ballotté de Toulouse à Bordeaux avant de tenir un secteur sur la rive droite de la Seudre à hauteur de Marennes. Malgré quelques attaques et tirs d’artillerie allemande, il n’y eu aucun blessé dans le bataillon. L’École navale est ramenée à Clairac le 22 janvier 1945 et la dissolution de l’unité a lieu dès le lendemain. Les officiers de l’encadrement sont remis à la disposition de leurs ports d’attache et les élèves sont affectés sur différents bâtiments dont le croiseur Duquesne qui fait partie avec le cuirassé Lorraine de la French Task Force qui devait en avril 1945 matraquer les positions allemandes de l’embouchure de la Gironde.
Tout le matériel se trouvant à Clairac est convoyé au Poulmic où l’école se réinstalle quelques mois plus tard.


Source : "Un siècle et demi d’École navale" par Jean-René Fenwick, ouvrage imprimé pour le 150ème anniversaire de l’École navale
- extrait de la Baille de juillet 2004 et extrait de Cols Bleus de juin 2004 à l’occasion de l’inauguration d’une plaque à Clairac en mémoire du passage de l’École navale ;
- extrait de la revue N°22 de l’association Mémoire du Fleuve.

Source photographies : Fond École navale.