L'École navale des Forces Navales Françaises Libres
La volonté de rédiger cet article sur l’École navale des Forces Navales Françaises Libres répond à un double constat.
Tout d'abord, la faible part qui est faite à la Marine dans les travaux historiques portant sur la Seconde Guerre mondiale implique de combler cette lacune historiographique [[Selon Nicolas Offenstadt dans son ouvrage sur l'historiographie, celle-ci "s'intéresse aux historiens, à leur conception de l'histoire, à leur méthode, et à leur production, ainsi qu'aux usages de l'histoire" (Offenstadt Nicolas, L’historiographie, Paris, P.U.F. « Que sais-je ? », 2011, 128 pages). En quelques mots, l'historiographie peut se définir comme "l'histoire de l'histoire", la façon dont les historiens réfléchissent et enseignent l'histoire. ]]. Hormis quelques ouvrages, dont notamment l’œuvre majeure du vice-amiral d'escadre Emile Chaline et du capitaine de vaisseau Pierre Santarelli dans leur Historique des FNFL [[Emile Chaline, Pierre Santarelli, Historique des Forces Navales Françaises Libres, T.1 à T.5, Service Historique de la Marine, Paris, 1989-2003. ]], force est de constater que la très grande majorité des ouvrages portant sur le rôle de la Marine pendant la guerre se centrent autour de l'image glorieuse du commandant Philippe Kieffer et de son commando, du rôle des FNFL lors de la Bataille de l’Atlantique, ou bien inversement sur le rôle controversé de la Marine Nationale durant le conflit [[Notons les nombreux travaux sur la Marine de Vichy, les biographies consacrées à l'amiral Darlan, ou bien encore la part faite au sabordage de la flotte de Toulon en 1942 dans les travaux sur la Marine durant le conflit]] . Peu d'ouvrages traitent donc uniquement des Forces Navales Françaises Libres en tant que telles, mais souvent comme associées à une opération (Débarquement du 6 juin, ou bien Bataille de l’Atlantique).
Le second constat est justement la conséquence du premier, où lorsque l'on s'attache à présenter les FNFL, on se heurte rapidement au vide historiographique que constitue leur formation. En effet, autant les missions, actions et faits de guerre des Forces Navales Françaises Libres sont bien documentés, autant la formation des marins ayant tout quitté afin de rejoindre l'Angleterre au péril de leur vie reste peu documentée. Ce constat s'applique tout autant pour les élèves issus de l’École navale ou de la préparation au Lycée naval, qui ont vu leur formation s’interrompre de façon brusque avec l’évacuation de l’École navale de Brest devant l'arrivée des allemands, en 1940, et qui ont du se voir proposer rapidement une formation pour pallier au manque de personnel.
En effet, selon l'historien Jean-Baptiste Bruneau, "l’histoire du conflit a d’abord été préemptée : la parole des témoins prestigieux a permis de développer une version des faits qui, parce qu’elle recoupait en partie les aspirations de la masse des officiers de marine autant que celle du commandement de l’après-guerre (constat qui n’est d’ailleurs nullement spécifique à la marine), s’est imposée dans les esprits. Parce qu’elle s’inscrit parfaitement dans une tradition historiographique avalisée par l’institution qui privilégie l’histoire opérationnelle pour laisser dans l’ombre les problématiques politiques sous-jacentes, l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale laisse prospérer une grille de lecture « aronienne » [[Cette pensée, issue de la pensée du philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français Raymond Aron, se traduit par un libéralisme tempéré, teinté de conservatisme, tourné vers le monde anglo-saxon.]] qui s’impose au cours des décennies 1970-1980 sans que les avancées de l’historiographie ne viennent ensuite la remettre en cause, la marine restant pour le moment à l’écart des relectures" [[Jean-Baptiste Bruneau, " “Gloria Victis”. L'écriture de l'histoire navale de la Seconde Guerre mondiale", Revue d'histoire maritime, n°10/11, 2010, p. 375-366.]]. Cette thèse expliquerait alors pourquoi les aspects opérationnels ont été très largement étudiés, tandis que les aspects sociologiques, l’histoire politico-idéologique et celle des représentations sont en revanche des terrains presque vierges [[Ibid. ]], car ils permettent, en sous-évaluant la composante politique de l'action de la marine, d'avoir un aspect consensuel laissant peu de place à la polémique, et donc de trouver un consensus au sein de l'histoire de l'unité [[Ibid. ]].
C'est pourquoi il apparaît aussi important de s’intéresser au navire Président Théodore Tissier, qui fut le navire-école des officiers des forces Navales Françaises Libres d'octobre 1940 à avril 1943, et qui assurait donc leur formation durant cette période. En effet, bien qu’évoqué à plusieurs reprises et brièvement dans des ouvrages [[Roger Coindreau, École Navale, collection « Livres d’or des grandes écoles françaises », 1958, 161 p.
- Emile Chaline, Pierre Santarelli, Historique des Forces Navales Françaises Libres, T.1 à T.5, Service Historique de la Marine, Paris, 1989-2003.
- Jean-René Fenwick, Un siècle et demi d’École navale, Éditions Fenwick, 1980, 198 p.]] son fonctionnement et son organisation n'ont jamais fait l'objet d'un travail historique, comme l'atteste les travaux de J.-B. Bruneau dans son article "Gloria victis", où il annonce que " les aspects politiques, culturels, sociologiques sont ainsi des terrains peu défrichés tout comme les travaux sur les effectifs, sur la gestion des personnels, sur la vie à bord des unités qui demeurent lacunaires" [[Ibid. ]].
En s’appuyant sur un fonds d'archives conservés au Service Historique de la Défense de Vincennes, le fonds TTC 71, cet article a vocation à combler ce manque historiographique en présentant la formation fournie aux jeunes aspirants de l'École navale des Forces Navales Françaises Libres.
Les « Français libres » [[Jean-François Muracciole, « Les Français libres : une approche sociologique », Les chemins de la Mémoire, n°206, juin 2010, p. 7-10. ]]
Avant de s’attacher à présenter les Forces Navales Française Libres, il convient dans un premier temps de s’attarder un moment sur une définition du terme « Français Libre ». En effet cette qualification a fait l’objet d’une définition officielle. Une instruction du ministère des Armées du 29 juillet 1953 dispose que peuvent être considérés comme Français libres « les militaires ayant fait partie des Forces françaises libres entre le 18 juin 1940 et le 31 juillet 1943 », les agents P1 et P2 [[Les agents P1 apportent une aide régulière, tout en conservant leur activité professionnelle, tandis que les agents P2 ont signé un engagement militaire permanent pour toute la durée de la guerre.]] ayant appartenu avant le 31 juillet 1943 à des réseaux affiliés au Comité national français et les évadés de France qui ont rejoint une unité ex-FFL « même après le 31 juillet 1943 pour les cas de force majeure telle que l’incarcération consécutive à leur évasion » [[Instruction n°21022 relative à l’attribution des différents titres reconnaissant les services rendus à la France libre et dans les Forces françaises libres, BOA, 29 juillet 1953, pp. 133-134. ]] . La date butoir retenue correspond à la fusion des forces giraudistes et gaullistes, les FFL étant alors officiellement dissoutes au profit des Forces Françaises combattantes [[La fusion du Comité national français de Londres, dirigé par le général de Gaulle (ou forces gaullistes) avec le Commandement en chef français civil militaire d’Alger dirigé par le général Giraud (ou forces giraudistes) en juin 1943 se traduit par la création du Comité français de Libération nationale (CFLN), un organisme gouvernemental dont le but est d'unifier l'effort de guerre français et de préparer la Libération. Le CFLN laisse la place le 3 juin 1944 au Gouvernement provisoire de la République française (GPRF).]].
La création des Forces Navales Françaises Libres
Au lendemain de la demande d’armistice, le 17 juin 1940, la situation de la marine française est tout à fait particulière. En effet, les théâtres d’opérations ont permis à la flotte française de sortir pratiquement indemne des combats de 1940 et auxquels elle a activement participé, notamment lors de la campagne de Norvège et de l’évacuation de Dunkerque. Mais surtout, stationnés dans les ports anglais ou coloniaux, les marins ont la possibilité de se tenir hors de portée de l’occupant allemand et de pouvoir rejoindre facilement les Forces françaises libres en cours de formation.
C’est pourquoi, à la suite de l’Appel du 18 juin 1940 l’hypothèse d’un assez large ralliement de la marine française aux FFL paraît plausible, même si les velléités butent parfois sur le sens exacerbé de la discipline et la fidélité des marins à l’amiral Darlan [[« L’espoir renait sur la mer, Création des Forces navales françaises libres » Collection « Mémoire et citoyenneté », n°4, Ministère de la défense, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives. ]] . Rapidement, les premiers ralliements ont lieu. Trois bâtiments de guerre (les sous-marins Narval et Rubis et le patrouilleur Président Houduce), un amiral (l’amiral Muselier) et de nombreux navires de pêche et de commerce conduits par leurs équipages et surchargés de volontaires, rejoignent ainsi l’Angleterre avant la fin du mois de juin 1940 [[Ibid. ]] .
Néanmoins, le bombardement de la flotte française à Mers el-Kebir le 3 juillet 1940 et l’attaque du cuirassé Richelieu à Dakar, la saisie des navires français mouillés en Grande-Bretagne et l’internement de leurs équipages lors de l’opération Catapult [[L'opération Catapult a été déclenchée le 2 juillet 1940 par le Premier ministre britannique Winston Churchill. Elle visait à assurer aux Britanniques que la flotte française ne tombe pas aux mains des Allemands ou des Italiens. Son objectif était donc de capturer ou de détruire les navires français où qu’ils soient stationnés.]] , freinent très largement ce ralliement. Il devient lent et difficile : nombre de marins présents sur le sol anglais demandent à être rapatriés ; les ralliements issus de l’Empire sont rares même si certains méritent d’être signalés, tel celui du lieutenant de vaisseau d’Estienne d’Orves, aide de camp de l’amiral Godfroy qui commande la force "X" à Alexandrie. Pourtant quelques jeunes Français prennent tous les risques pour rejoindre l’Angleterre, passant parfois par l’Espagne.
C’est dans ce contexte que, le 1er juillet 1940, le général de Gaulle confie à l’amiral Muselier la tâche difficile de créer et de rendre opérationnelles les Forces Navales Françaises Libres. Assisté par le commandant Thierry d’Argenlieu, l’amiral Muselier forme un état-major restreint, qu’il installe à Westminster-House. Tout est à faire, à commencer par vaincre les réticences britanniques.
La nécessité de former les Français Libres
Avec le ralliement des premiers français en Angleterre, s’est rapidement posée la question de la formation et de l’encadrement des nouveaux arrivants. Pour cela, une École navale est créée à partir de 1940 à Portsmouth, sur le Courbet, puis sur le Président Théodore Tissier et ses deux annexes l’Étoile et la Belle Poule.
-* Création de l’École navale des Forces Navales Françaises Libres
Le concours d’admission à l’École navale de 1940 fut interrompu par l’avancée des allemands en France et de ce fait non validé. Dès juillet 1940, le commandement des FNFL constitué en Angleterre décida d’organiser à bord du cuirassé Courbet basé à Portsmouth une compagnie d’élèves aspirants destinés à former les cadres subalternes des bâtiments en armement sous son autorité. Deux cycles d’instruction eurent lieu qui demandèrent un complément de formation. Cet embryon d’école se heurta bientôt à de grosse difficultés pour le recrutement du personnel instructeur [[Jean-René Fenwick, Un siècle et demi d’École navale, Paris, Éditions Fenwick, 1980, 198 p.]], les officiers et officiers mariniers qui auraient pu lui être affectés étant destinés en priorité aux navires de guerre ou de commerce en service actif. De plus, le Courbet se prêtait mal au bon fonctionnement d’une École Navale [[Ibid.]] .C’est pourquoi, en octobre 1940, devant le besoin croissant en officiers qu’exigeait le développement de la bataille d’Atlantique, une proposition formulée par l’Amirauté britannique d’accueillir une quinzaine d’élèves à l’École navale de Dartmouth fut mise en application. Ceux qui eurent le privilège d’en profiter, une quinzaine d’élèves, purent ainsi acquérir une solide formation. Ceux qui ne le purent pas, la majorité, furent admis après concours sur le Président Théodore Tissier, basé à Portsmouth et qui constitua ce qu’on peut réellement appeler l’École navale FNFL.
L’objectif était d’assurer une formation aussi complète que possible, notamment celle de chef de quart en reprenant les cours de l’École navale dispensés à Brest. Les corvettes se faisaient sur les deux goélettes qui s’étaient échappées de Brest, l’Étoile et la Belle Poule. Les élèves y faisaient à leur bord de fréquentes sorties le long des côtes anglaises.
-* Organisation de l’École des FNFL
L’organisation de l’école répond à des objectifs précis, et définis de façon officielle par le vice-amiral Muselier, commandant des FNFL, dans son Instruction n°1 sur l’École navale du 27 octobre 1940 [[Instruction n°1 sur l’École navale du 27 octobre 1940, Service Historique de la Défense, Vincennes, TTC 71.]] . La mission de cette école est de préparer des jeunes gens sélectionnés à devenir des aspirants de marine. Pour cela, leur formation ébauchée à l’École navale doit être parachevée à bord des différents bâtiments des FNFL sous la direction des Commandants, conformément aux directives de l’ordre n° 755 du 21 septembre 1940.
L’École navale en tant que telle est installée donc à bord du navire Président Théodore Tissier. L’objectif essentiel étant d’assurer une rapide formation aux élèves, la durée des cours était de 6 mois, dont 1 mois de formation militaire qui s’accomplit au Camp britannique de Camberley. Il y a donc deux cessions par an. Les dates d’entrées sont fixées au 15 octobre au camp de Camberley et au 15 novembre à bord du Tissier pour la première cession et au 15 avril au camp de Camberley et 15 mai à bord du Tissier pour la seconde cession. Chaque promotion comprenait une vingtaine d’élèves, recrutés après un examen préliminaire parmi les jeunes gens provenant de l’enseignement secondaire et parfois supérieur.L'École navale est alors commandée par un capitaine de frégate commandant le Courbet, et commandant supérieur des bâtiments français à Portsmouth. Il est secondé par le commandant du Théodore Tissier qui a le titre de commandant en second de l’École navale. Lorsque le commandant est absent, le commandant en second le remplace dans toutes ses fonctions. Le commandant du Tissier est particulièrement chargé de la police de l’école, de la surveillance et de la discipline des élèves en toute circonstance [[Ibid. ]].
-* Recrutement des élèves
Les élèves sont sélectionnés par l’État-major des FNFL après étude de leur dossier. Ils passent, avant d’aller au camp de Camberley une visite médicale au double point de vue santé générale et vue. Après leur visite médicale, les élèves reçoivent à bord du Courbet un sac complet de matelot. Les élèves portent l’uniforme marin des FNFL, sans galon. Ils ont, brodé sur le bras gauche, une ancre marine dorée.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, une véritable sélection s’opère au sein des élèves qui souhaitent intégrer l’École navale, et temps de guerre n’est en aucun cas synonyme d’abaissement des critères. Une rude sélection est établie et les élèves doivent répondre aux exigences d’une visite médicale stricte avant de pouvoir espérer intégrer le Tissier. Pour autant, l’acceptation au sein de l’École ne proscrit pas le renvoi. En effet, malgré les temps de guerre et un recrutement rendu de fait difficile, l’École navale des FNFL s’est attaché à obtenir les meilleurs résultats possibles de ses élèves. Sanctions, punitions, renvois sont possibles et ont lieu quand les circonstances l’obligent. C’est ainsi que des sanctions sont prévus pour les élèves qui ne se plient pas à la rigueur militaire ou aux exigences attendues d’eux à bord du Tissier ou dans leur futures affectations à bord des bâtiments des FNFL. Il est d’ailleurs précisé qu’en toutes circonstances, les élèves doivent avoir une tenue correcte et réglementaire, s’abstenir d’expressions triviales et de toutes manières indignes d’un officier [[Ibid. ]] . En cas de nécessité, des punitions peuvent être infligées aux élèves [[Toutes les punitions dont les élèves sont l’objet doivent d’ailleurs être consignées dans le cahier matriculaire établis pour chaque élève. ]] : consigne, police, prison, privation de permission, voire même renvoi de l’École sont à attendre. Le commandant en second de l’école a d’ailleurs sur les élèves des pouvoirs disciplinaires qui lui sont délégués par le commandant du Courbet. S’il estime qu’un élève par son mauvais esprit continuel, par sa paresse ou par son absence d’esprit militaire constitue un danger pour l’école, il peut proposer son renvoi définitif à l’Amiral qui statue. L’élève est alors renvoyé à Londres aux ordres du sous-chef d’État-major des FNFL qui statue sur son affectation au service général. Un élève éliminé ou renvoyé ne peut plus être admis à l’École navale.
Les élèves ayant subi l’examen final au bout de six mois de formation pourront en fonction de leurs résultats scolaires et de leur comportement :
- soit être éliminés définitivement,
- soit ajournée à la session suivante,
- soit en cas de réussite, être nommés seconds-maîtres élèves aspirants et embarquer. Au bout de 2 mois d’embarquement, ils pourront être proposés pour le grade d’aspirant. Après un an de ce grade, ils pourront être proposés pour le grade d’enseigne de vaisseau de 2ème classe.
-* Vie à bord
Le Président Théodore Tissier est, avant d’être une école, un bâtiment appartenant aux FNFL. De ce fait, et du point de vue militaire, l’École est soumise au règlement applicable aux bâtiments de guerre des FNFL. Ainsi, les élèves et officiers présent à bord du navire sont assujettis à toutes les obligations de règlements militaires ainsi qu’aux règles relatives à la discipline en vigueur des FNFL [[Ibid.]] .
C’est pourquoi, dans les Directives centrales de l’enseignement à l’École navale du 30 octobre 1940 [[Directives centrales de l’enseignement à l’École Navale du 30 octobre 1940, Service Historique de la Défense, Vincennes, TTC 71. ]] , l’accent est avant tout mis sur l’éduction militaire qui doit être fournie aux élèves. Dans cette optique, il est précisé que les élèves doivent être mis dans une ambiance telle que soit modifié rapidement en eux l’esprit du collégien, et qu’il est nécessaire de développer l’esprit de devoir et le sentiment de la responsabilité, ainsi que de leur apprendre le caractère impératif des règlements et des obligations militaires. Parallèlement à ses recommandations, les directives énoncent qu’il est tout aussi nécessaire de sensibiliser les élèves à la Marine en leur faisant connaitre les traditions de celle-ci et les grandes figures maritimes, et par ce biais d’exalter chez eux la « conscience professionnelle et l’amour-propre national » [[Ibid. ]] . Le but de cet ensemble de directives étant d’orienter au mieux l’esprit des élèves aux objectifs d’une organisation militaire, à savoir la préparation à la guerre.
Pour autant, et malgré toutes les directives formulées pour exalter le bon comportement et le sens du devoir chez les élèves, le moral de ceux-ci à bord du Tissier est loin d’être bon. En effet, des rapports mensuels sont transmis aux autorités FNFL, au sein desquels il est fait mention du mauvais état d’esprit du personnel et principalement des élèves. Le rapport de février 1941 établi pour le mois de janvier fait mention d’une « démoralisation déplorable dû à une trop longue période d’inactivité du Tissier », amélioré par la suite grâce aux sorties prévues au programme de l’École. Pour autant le répit n’est que de courte durée, puisque selon le rapport du 10 aout 1941 pour le mois de juillet, « il est manifeste que le moral de l’équipage n’est nullement ce qu’il devrait être. Déjà affectés comme la majorité de leurs camarades par les sacrifices sentimentaux que comporte l’accomplissement de leur devoir dans les circonstances actuelles, il se trouve que leur embarquement semble leur porter préjudice. L’embarquement à bord d’un bâtiment qui, tel le Tissier n’a qu’une activité relative, n’apporte pas aux hommes le réconfort d’une action dont la fin est immédiate et qui comble leur désir de « se battre » [[Ibid. ]] ». Dans un premier temps, des conférences ont lieu chaque semaine pour maintenir vivante la foi des hommes en la cause qu’ils ont adoptée, mais devant la persistance d’un mauvais moral, il est décidé en février 1942 à la suite du conseil des professeurs de l’École Navale des FNFL, et de l’avis général, d’augmenter considérablement le nombre d’heures consacrées aux exercices pratiques et aux visites.
Le tournant de Bir-Hakeim et ses conséquences pour l’École Navale
Le 27 mai 1942, le Generaloberst Erwin Rommel commandant l'Afrikakorps lance ses troupes contre la position fortifiée de Bir Hakeim (Lybie), tenue par une brigade comptant précisément 3 723 hommes. Les Français libres vont leur tenir tête victorieusement pendant 15 jours ; ils n'évacueront la position que dans la nuit du 10 au 11 juin 1942. Si cette bataille est aussi emblématique, c’est parce que ce fait d'armes a redonné espoir au camp allié, alors en difficulté sur tous les fronts. Quelques milliers de Français libres prouvent à l'opinion alliée que rien n'est joué. En immobilisant Rommel pendant 15 jours devant Bir Hakeim, ils permettront en effet au commandement anglais de faire venir des troupes fraîches d'autres théâtres d'opérations : ce sont ces forces qui arrêteront qui arrêteront à El Alamein les hommes de Rommel.
Ce fait d'armes est salué par l'ensemble des puissances alliées et il produit une forte impression en France occupée. Hitler lui-même reconnaît la valeur de la nouvelle armée française. Pour de Gaulle, ce premier affrontement direct avec les troupes allemandes constitue un extraordinaire encouragement. Désormais les Anglais et les Américains considèrent les Français libres comme des alliés à part entière. En France même, l'image d'invincibilité des forces allemandes se fissure ; Bir Hakeim redonne courage à une population accablée par les exigences grandissantes de l'occupant [[http://www.france-libre.net/1ere-dfl/combats/bir-hakeim.php]] .
Les conséquences de cette bataille modifient aussi le fonctionnement interne de l’École navale. En effet, dans une note adressée par le capitaine de corvette Jean Recher, commandant supérieur de Portsmouth, au contre-amiral Philippe Auboyneau, commandant en chef des FNFL [[En avril 1942, le contre-amiral Auboyneau est nommé au commandement des Forces navales françaises libres.]] , sur le fonctionnement de l’École et l’utilisation du Président Théodore Tissier du 21 aout 1942, des suggestions sont apportées concernant la prochaine session de cours de l’École. Cette nouvelle session débuterait par la période ordinaire d’entrainement militaire de 1 mois à la caserne Bir-Hakeim. A la suite de cette période les élèves demeureraient à la caserne où les différents cours leur seraient professés, jusqu’à l’achèvement des transformations de l’aviso Amiens [[Note du capitaine de corvette Recher au contre-amiral commandant en chef des FNFL du 21 aout 1942.]] , ancien aviso de la Première Guerre mondiale et transformé en école des mécaniciens, chauffeurs et électriciens, des fourriers et secrétaires depuis le 31 décembre 1940.
Le but de cette manœuvre est de permettre la libération du Président Théodore Tissier et d’entreprendre les réparations et transformations nécessaires à son utilisation ultérieure. En effet, des chasseurs devant être basés en Afrique du Nord, le Tissier, étant données ses possibilités de logement tant en personnel qu’en matériel, d’approvisionnement en essence, est par la suite utilisé comme transport militaire en Afrique du Nord. Dans ce but, il est désarmé à partir du 30 avril 1943, et remplacé par l’aviso Amiens, alors réarmé sous pavillon FNFL comme bâtiment d'instruction de l'école navale.
L’École navale des Forces Navales Françaises Libres fonctionna jusqu’en juillet 1943, époque où l’Afrique du Nord rentrant en guerre, une organisation commune de la Marine fut mises en place. Le 3 août 1943, la fusion des FNFL (et dans une plus large mesure des Forces Françaises Libres) et forces maritimes d’Afrique est effective, et transforme alors les forces en Forces Navales de Grande-Bretagne.
Sources
- - Vincennes
Service Historique de la Défense,
TTC 71.
Bibliographie
- Michel Bertrand, Les Forces Navales Françaises Libres, Collection armes et uniformes, Editions Argout, Paris, 1980, 71p.
- Jean-Baptiste Bruneau, " “Gloria Victis”. L'écriture de l'histoire navale de la Seconde Guerre mondiale", Revue d'histoire maritime, n°10/11, 2010, p. 375-366.
- Roger Coindreau, École navale, collection « Livres d’or des grandes écoles françaises », 1958, 161 p.
- Emile Chaline, Pierre Santarelli, Historique des Forces Navales Françaises Libres, T.1 à T.5, Service Historique de la Marine, Paris, 1989-2003.
- Jean-René Fenwick, Un siècle et demi d’École Navale, Éditions Fenwick, 1980, 198 p.
- Jean-François Muracciole, « Les Français libres : une approche sociologique », Les chemins de la Mémoire, n°206, juin 2010, p. 7-10.
- « L’espoir renait sur la mer, Création des Forces navales françaises libres », Collection « Mémoire et citoyenneté », n°4, Ministère de la défense, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.
Site internet :
- http://www.france-libre.net/
- http://www.charles-de-gaulle.org/
Rédacteur: ASP Morgane BAREY